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Parmi les grands procès "politiques", rappelons celui de Marguerite Steinheil, liée pour plusieurs raisons au 10e, et dont vous découvrirez ici l'histoire rocambolesque.1
- Voir aussi le très bel article avec 30 photos rares de cette affaire sur le site Facebook de John D'Orbigy Immobilier à cette page
L'affaire de l'impasse Ronsin
Sur les boulevards les camelots chantent : "Elle est à Saint-Lazare, elle n'est plus souriante..." : Elle", c'est Marguerite Steinheil, la fameuse "connaissance" du président Félix Faure 2, dans les bras de laquelle il aurait rendu son dernier soupir ! Six ans après cet énorme scandale politique, Mme Steinheil se retrouve au coeur d’une mystérieuse affaire criminelle : dans une chambre de sa maison, impasse Ronsin à Paris, on la retrouve ligotée auprès du cadavre de son mari et de sa mère, elle désigne comme auteur du crime l'un de ses ex-amants.
Mme Steinheil
Elle est accusée de complicité dans ce double assassinat. Le 4 novembre 1908, "l'élégante", "l'exquise" Parisienne est enfermée à "Saint-Lago" (ndlr : Saint-Lazare, en argot), à la pistole 12, entre deux prévenues de droit commun ! Elle mange peu, boit du thé qu'elle fait elle-même ou qu'elle se fait servir, a sa femme de ménage pour nettoyer sa cellule et ne s'entretient qu'avec son aumônier protestant et son avocat.
Cependant un admirateur ne l'a pas oubliée qui lui envoie pour ses étrennes une bague "en pieux hommage à qui vous savez" (ndlr : Félix Faure).
Son procès s’ouvre le 3 novembre 1909 à Paris en Cour d’assises. Il est très médiatisé, on y apprend qu'elle a beaucoup d’admirateurs princiers, dont le roi Sisowath du Cambodge, le grand-duc de Russie, le futur prince de Galles... L’opposition cherche à faire de cette affaire un procès politique et l’on accuse Mme Steinheil d’avoir empoisonné Félix Faure, pour le compte du « syndicat juif », parce que le Président s’était déclaré hostile à la révision du procès Dreyfus.
Le 14 novembre 1909, après la plaidoirie de son avocat de plus de 7 heures, elle est acquittée, bien que le juge ait qualifié son discours de « tissus de mensonges ». On a pensé qu’elle ne pouvait être la meurtrière de son époux et de sa mère, mais on s’interroge encore sur l’identité du meurtrier : Serait-ce l'un de ses amants princiers ? Car l’affaire a été vite étouffée pour raison d’État.
Mme Steinheil en cour d'assises
Après son procès, elle vivra à Londres sous le nom de Mme de Serignac, rédigeant ses mémoires. Le 26 juin 1917, elle devint Lady Abinger par son mariage avec Robert Brooke Campbell Scarlett, baron Abinger, décédé lui de mort naturelle en 1927 ! Elle décèdera le 18 juillet 1954 dans une maison de repos à Hove, comté de Sussex.
Jeannine Christophe
Dessin humoristique de Xavier Sager à propos du prétendu assassinat par Mme Steinheil de son mari et de sa mère
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1 Dans la revue Timbres Magazine de Novembre et de Décembre 2010 sont parus deux articles sur Mme Steinheil sous la plume de Serge Zeyons et un téléfilm a été diffusé à la télévision sur France 3 le 7 novembre 2010 : "La maîtresse du Président " dans lequel Cristina Reali incarnait Marguerite Steinheil et Didier Bezace était Félix Faure.
Auparavant en 1983 il y a eu un téléfilm d'Édouard Molinaro d'après le livre d'Armand Lanoux "La veuve rouge" : Françoise Fabian était Marguerite Steinheil et François Perrot interprétait Félix Faure.
2 C'est au sujet de Marguerite Steinlen que la fameuse phrase a été prononcée au moment du décès de Félix Faure mort dans ses bras le 16 février 1899 : " Le président a-t-il toujours sa connaissance ? non, elle est partie par une porte dérobée ! ". Rappelons aussi que Félix Faure était un enfant du 10e, né au 65 rue du Faubourg-Saint Denis, son père tenait magasin de meubles, rue du Faubourg-Saint-Martin. D'autre part, en tant que président de la République, Félix Faure, a inauguré en 1896 l'actuelle mairie du 10e, une plaque mosaïquée en haut de l'escalier d'honneur de la mairie le rappelle.